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De l’importance du diagnostic avant une intervention dans le cadre organisationnel

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Par Frédéric Demarquet – Lorsque des organisations rencontrent des difficultés impliquant des acteurs, elles font fréquemment appel à des coachs, des consultants, des facilitateurs, des formateurs, des médiateurs, des mentors ou tout autre professionnel de l’accompagnement des personnes et des organisations pour régler leurs problèmes. La demande peut alors être faite de différentes manières. Parfois sur un mode directif : « Je souhaite faire coacher l’équipe qualité pour améliorer leur performance ». Parfois sur mode collaboratif : « J’aimerais vous rencontrer afin que nous définissions la meilleure formule pour accompagner notre équipe qualité ». D’autres fois sur un mode délégatif : « Je vous laisse carte blanche pour trouver ce qui sera le mieux, je n’ai pas le temps de m’impliquer davantage ». Il arrive que ces professionnels rencontrent des commanditaires fatalistes : « De toute façon, dans ce contexte, on ne pourra pas faire grand-chose, mais ce sera mieux que rien ». D’autres fois des commanditaires qui ne comprennent pas : « Quoi qu’il arrive, ils doivent gérer leur stress, force est de constater qu’ils sont stressés, bien qu’il n’y ait aucune raison ». Parfois les commanditaires sont perdus : « Je ne sais vraiment pas quoi faire dans cette situation, je ne sais même pas si on peut faire quelque-chose, mais on m’a dit que peut-être vous sauriez… ». Ou au contraire très sûr d’eux : « Je sais exactement ce qu’il faut faire pour régler ce problème ! » Bref, il existe de nombreuses manières pour un commanditaire de formuler sa demande auprès de professionnels de l’accompagnement.

Quelle que soit la personne qui fait appel à un professionnel de l’accompagnement, quelle que soit sa manière de décrire la situation et son besoin, l’intervenant devra prendre garde à pousser suffisamment loin les investigations afin de définir avec précision quelle sera la construction d’intervention la plus efficace pour réduire au maximum l’écart entre la situation qui pose problème et la situation souhaitée. En effet, bon nombre d’interventions ne résolvent rien, tournent court, ou encore aggravent le problème par manque d’informations préalables pertinentes. Dans le cadre de supervisions d’accompagnants, je rencontre souvent des professionnels prudents qui souhaitent valider leurs investigations et leurs postulats afin de sécuriser leurs interventions mais également d’autres bien ennuyés et empêtrés dans des situations complexes dont ils n’ont pas vu les subtilités permettant de cheminer plus sûrement vers la résolution. Il m’arrive aussi régulièrement d’être appelé comme pompier pour éteindre les braises d’un incendie naissant ou parfois bien consumé suite à des actions maladroites de l’interne comme de l’externe.

Dans la grande majorité des cas, un défaut de diagnostic est à la base du problème. Soit il n’a pas été fait, soit il a été fait sans lui porter toute l’attention et la méthodologie nécessaires. Il peut bien sûr être tentant de répondre à une demande directive sans investiguer. On fait ainsi a priori plaisir à son client. A court terme sûrement mais à moyen terme c’est beaucoup moins certain. Je repense à cette directrice de filiale qui me demandait de coacher l’équipe qualité car le nouveau manager, en poste depuis 6 mois, n’arrivait pas à restaurer la cohésion que l’ancien manager avait participé à détériorer. Si je suivais sa demande, n’aurais-je pas pris le risque que l’équipe interprète mon intervention comme une incompétence du manager qui n’était pas à la hauteur puisqu’il lui fallait une aide extérieure gérer l’équipe ? N’était-il pas plus judicieux de commencer par coacher seul le manager et lui permettre ainsi de faire évoluer la situation par ses actions managériales ? Le problème fut ainsi réglé en cinq séances de coaching individuel. Je revois également l’un de mes coachés, directeur régional d’une entreprise de travaux publics, qui avait subi les assauts répétés de collaborateurs syndiqués et virulents. Une décision interne fut prise de scinder son équipe en deux et de nommer un manager intermédiaire pour s’occuper des syndiqués. De plus, on désigna un mentor qui avait le même poste que son N+1 dans une autre région pour accompagner ce nouveau manager à qui on demanda de référer directement à son N+2, soit le directeur national de la branche. Tout le monde sembla alors surpris que le directeur régional fût de plus en plus en difficulté. Bien sûr, ce genre de situation n’émane pas de mauvaises volontés, mais de méconnaissances de certaines interactions existantes dans un système humain et des modes de régulations que les systèmes mettent en place pour s’équilibrer, parfois sur des modes dysfonctionnels. Les solutions mise en œuvre deviennent alors contreproductives et enveniment le problème plutôt que de le réduire. Chaque action produite génère à la fois des informations et de l’énergie dans le système. Les informations vont faire réagir les éléments du système et l’énergie va produire plus ou moins de vivacité dans la réaction. Aussi, il est indispensable de procéder à une observation précise du système afin de définir comment le problème se construit, à quel niveau, avec quels acteurs. Il convient également d’observer le positionnement des acteurs face au problème et à sa résolution, les enjeux positifs et négatifs de chacun, qui sera levier vers la résolution, qui sera frein. Si des actions ont déjà été mise en place, il sera nécessaire de comprendre ce qui fait qu’elles n’ont pas été efficaces. Si d’autres ont apportés du mieux, en quoi ont-elles été différentes ? Qu’est-ce qui explique ce mieux ? On pourra également analyser ce que le système sait mettre en place de manière spontanée et qui fonctionne, comprendre comment le système accède à des ressources intéressantes pour lui… Bien sûr, au préalable, il sera indispensable de définir les objectifs précis de la demande et de vérifier l’écologie de ces évolutions. Alors seulement, des ébauches de solutions pourront être mises en lumière et l’intervention pourra se construire dans une régulation constante face aux réactions du système. Toute réaction du système devrait être vue par les accompagnants comme une collaboration dans la construction d’intervention. Des acteurs qui freinent nous disent simplement que ce qui est mis en place ne convient pas de cette manière, à ce moment précis et qu’il convient de faire évoluer différemment l’intervention. Ainsi, le diagnostic préalable devient une base et évolue au fut et à mesure de l’intervention. En effet, il est impossible de prévoir l’ensemble des réactions d’un système humain. Il en résulte que le diagnostic se poursuit tout au long de l’accompagnement. On pourrait alors parler de diagnostic préalable et de diagnostics de paliers, comme autant de zooms qu’il sera nécessaire d’effectuer au fil des évolutions, jusqu’à la résolution.

Bien souvent, lorsque j’évoque avec mes clients la nécessité du diagnostic, bien qu’ils en comprennent dans la majorité des cas l’intérêt, des peurs émergent en termes de durée et de coût. Je dois dire que l’expérience m’a montré que le temps passé sur le diagnostic est systématiquement récupéré sur l’intervention du fait de son efficacité. Par conséquent, le budget engagé au lancement est également économisé par la suite. Il est des diagnostics qui s’élaborent de manière rapide et spontanée, comme dans le cas du coaching d’équipe qui se transforme en coaching individuel vu plus haut et d’autres qui demandent un temps d’observation et d’audit, lorsque le système et le problème sont plus complexes.

Ce sujet du diagnostic se retrouve dans bien d’autres situations, comme par exemple dans le management. Nombre de managers que j’accompagnent, dès qu’ils perçoivent un problème avec un collaborateur, une équipe, un manager ou en transverse, mettent en place rapidement des solutions sans la moindre investigation et, bien souvent, le problème perdure. Ils poursuivent alors leurs recherches de solutions, mais toujours à l’aveugle et donc avec une probabilité de résultats relativement moindre. Encore une fois, le temps passé à élaborer un diagnostic préalable sera bien vite récupéré par l’efficacité de l’action.

Il existe de nombreuses méthodes pour effectuer des diagnostics et les différentes approches systémiques offrent un large choix de possibilités. En effet, la systémie se propose d’observer les systèmes humains et leur complexité par le prisme d’informations précises, ouvrant rapidement vers des possibilités d’actions chirurgicales et efficaces tout en s’appuyant sur une régulation constante et donc sur l’évolution du diagnostic et de l’intervention. Du reste, bon nombre d’autres méthodes utilisées se sont construites sur les fondamentaux de la systémie. On peut dire que toute organisation humaine est en soi systémique. Ainsi, faire un diagnostic et intervenir avec la systémie, c’est utiliser les lois qui régissent tout groupe humain de manières naturelle et spontanée et en faire les fondations et les matériaux qui construiront l’intervention en rendant visible et utilisable tout élément pertinent à la résolution. La systémie offre une large palette de méthodologies de diagnostics qui ne demandent pas d’être systémicien pour les utiliser. En effet, sur un mode intégratif, les outils de diagnostic permettent une mise en lumière rapide et précise et la construction d’intervention peut alors s’élaborer avec toutes les approches maîtrisées par les accompagnants.

Se former aux techniques de diagnostic systémique