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Du consommateur au consom’acteur: un changement de paradigme – Par Karine Aubry

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INTRODUCTION:

Investie depuis plusieurs années dans la transition de société au travers notamment de changements personnels (alimentation, consommation, mode de déplacement etc.), je me suis interrogée sur ce qui faisait qu’une personne devenait consom’actrice, actrice de ses choix de consommation notamment alimentaires. La vague de l’écolo, du bio, du vegan, contraste en effet avec des modes de consommation plus anciens qui semblent encore bien installés, comme acheter au supermarché les produits de marques auxquelles l’on reste fidèle, fût-ce une marque distributeur.

Quels sont les moteurs de ces changements, comment se mettent-ils en place et s’installent-ils dans le temps ?

Comment se construit et se déconstruit cette relation entre le consommateur et le système qui lui fournit une part significative de son alimentation (industrie agro-alimentaire via les circuits de distribution)?

Y a-t-il des passages fluides d’un mode de consommation à l’autre ?

Peut-on parler de dépendance à certains modes de consommation ?

Au travers d’interviews et d’un questionnaire sur internet qui a collecté les réponses de 110 personnes à travers la France, des réponses à ces questions ont émergé.

Ce travail n’a aucun caractère scientifique, il propose seulement des éclairages et une lecture systémique de la relation entre le consommateur et l’industrie agro-alimentaire qui fournit aujourd’hui une part très importante de l’offre alimentaire en France.

Nous verrons dans ce premier article que cette relation consommateur – industrie agro-alimentaire prend souvent la forme d’une escalade complémentaire, avec une logique d’interaction qui se renforce : plus le consommateur achète des produits industriels, plus il lui devient difficile de faire autrement.

Dans un second article, nous verrons comment des grains de sable peuvent s’insérer dans cette relation et entraîner une reprise de pouvoir par le consommateur qui se réapproprie alors son alimentation. Et pour finir, comment cette reprise de pouvoir peut enclencher un basculement, un changement de paradigme, qui une fois amorcé, s’accélère.

 

L’ÉTUDE :

L’étude n’interrogeait que ceux qui ont changé significativement leur manière de faire leurs courses alimentaires ces dernières années, ou qui aimeraient le faire sans y parvenir.
Les personnes ayant répondu qu’elles n’avaient pas modifié leur alimentation et que celle-ci leur convenait, n’ont pas été interrogées au-delà.

Objet :
Nous nous intéressons à la relation consommateur – industrie agro-alimentaire quand son équilibre devient instable :

– quand le consommateur souhaite la changer mais n’y parvient pas (changement de type I)
– ou y parvient si bien qu’il change toute la relation en reprenant la main sur son alimentation (changement de type II)

Changement de type 1 et 2

En systémique on distingue 2 types de changements :
– le changement de type 1 apporte une modification à l’intérieur d’un système, en modulant autour d’un point d’équilibre (ex : en cas d’insomnie, compter les moutons, respirer lentement, boire une tisane…)
– le changement de type 2 modifie les règles du système (ex : en cas d’insomnie, renoncer à tenter de dormir et faire une activité)

Nous ne nous sommes donc pas intéressés au consommateur qui est satisfait de sa relation avec l’industrie agro-alimentaire.

Sur les 110 répondants, 91 (82%) ont répondu qu’ils avaient “significativement modifié leur manière de faire leurs courses alimentaires ces 5 ou 10 dernières années”. Cette proportion n’est évidemment pas représentative de la population française, elle nous permet seulement d’étudier ceux chez qui le changement a eu lieu.

Par ailleurs, l’échantillon s’étant constitué au fil des partages de l’enquête sur les réseaux sociaux (Linkedin, Facebook, Twitter), la constitution du panel ne présente pas la rigueur des études professionnelles. La présente analyse tient compte de cette limite.

 

PARTIE 1 : Consommateur et industrie agro-alimentaire : une relation bien “huilée”

Commençons par le début. 1 participant sur 4 à l’enquête (25%) dit ne pas être  “pleinement satisfait de la manière dont [il fait] les courses alimentaires”. Qu’ils indiquent avoir modifié ou non leurs habitudes, voici ce qu’ils aimeraient changer :

– Moins de produits transformés (25%)

– Davantage de BIO (21%)

– Davantage de produits locaux et circuits courts (21%)

A la question “10. Qu’est-ce qui vous empêche, ou vous freine, pour apporter les changements souhaités ?”, ils répondent en majorité :

  • le manque de temps (2 personnes sur 3)
  • le budget limité (1 répondant sur 2)

Près d’une personne sur 3 répond également : “Pas d’accès facile aux commerces souhaités”, que l’on peut relier en partie à la notion de temps consacré aux courses – et à l’accessibilité de modes de transports.

 

1 – GAGNER DU TEMPS

Ainsi, le facteur principal qui maintient les habitudes de consommation alimentaire – et notamment de produits transformés – c’est le temps. La raison en est probablement double :
– mettre en place un changement prend du temps (il est toujours plus rapide d’agir selon ses habitudes, sa routine)

– revenir d’une alimentation transformée à une alimentation cuisinée à la maison c’est consacrer plus de temps à la préparation culinaire (voire, aux courses alimentaires)

Or, que propose l’industrie agro-alimentaire ? Des produits déjà transformés à partir de matériaux bruts, prêts à être consommés en un temps réduit : de quelques secondes pour les snacks, gâteaux, laitages, fruits épluchés sous plastique, jus etc, à quelques minutes au micro-ondes, voire quelques dizaines de minutes pour les plats surgelés au four ou à la poêle. Dans bien des cas (certes, pas tous), c’est sans commune mesure avec le temps nécessaire à la confection “maison” du même produit, surtout dans une culture culinaire française où de nombreux plats nécessitent une préparation de 30 / 45 minutes, cuisson comprise.

Ainsi l’industrie agro-alimentaire répond-elle à un besoin essentiel du consommateur moderne : gagner du temps, celui qui serait pris par la préparation culinaire dans son ensemble (sélection des produits bruts, préparation, cuisson, vaisselle.)

Nous avons ici une première boucle de complémentarité entre le consommateur et la marque agro-alimentaire :

 

Cette boucle représente une relation où les besoins réciproques sont satisfaits : l’industrie agro-alimentaire a besoin de vendre ses produits, le consommateur de gagner du temps.

 

On trouve dans les slogans des marques alimentaires, depuis les années 70, cette notion du gain de temps. Quelques exemples :

Heureusement qu’il y a Findus,

Joker, le fruit qui se boit

Marie, c’est déjà fait, et très bien fait

Royco minute soupe

etc.

Nous verrons que cet argument du temps gagné ne sacrifie en rien, selon les industriels, au plaisir et au goût.

 

Au fait, d’où vient ce besoin de gagner sur le temps passé en cuisine ?

L’INSEE confirme une tendance de fond depuis les années 60, en raison de “changements de modes de vie”, et en particulier une réduction du temps de préparation des repas à domicile (- 25 % entre 1986 et 2010) :

“Depuis 1960, la consommation de plats préparés s’accroît de 4,4 % par an en volume par habitant (contre + 1,2 % pour l’ensemble de la consommation alimentaire à domicile). Les changements de modes de vie s’accompagnent d’une réduction du temps de préparation des repas à domicile (- 25 % entre 1986 et 2010) et profitent à des produits faciles d’emploi, tels que les pizzas ou les desserts lactés frais. Parfois, cette recherche de praticité se fait au détriment de produits bruts et non transformés : par exemple, les produits dérivés de la pomme de terre progressent tandis que les pommes de terre brutes reculent (+ 3,0 % par an en volume par habitant contre – 0,8 %). De même, inexistante en 1960, la consommation de légumes coupés ou emballés s’est fortement développée depuis les années 1990 alors que celle de légumes non transformés reste stable.
(https://www.insee.fr/fr/statistiques/1379769#tableau-figure1)

Parmi les changements dans les modes de vie, voici ce qui concerne les repas :

“Le temps du repas est désacralisé :

• Des repas à heures de moins en moins fixes

• Diminution du nombre de plats et du temps de préparation

•Essor des produits transformés voire du prêt à consommer

• Augmentation du nombre de repas pris en dehors du domicile”

(source : 2010, INSEE bilan démographique 2005 et projection de population 2006-2060)

Source : http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/doctravail50112.pdf

 

2 – ÉCONOMISER SON BUDGET

Un seconde boucle s’instaure autour de l’aspect économique.

L’évolution du budget consacré à l’alimentation chez les ménages français est significative : sa part du budget total a baissé de 21% à 13,6% entre 1970 et 2009[1]. C’est-à-dire qu’une part du budget alimentaire a été transféré à d’autres postes de consommation (énergie, loisirs,…).

Concrètement, les Français dépensent moins pour leur alimentation, ce qui participe peut-être à l’essor :

  • des supermarchés et hypermarchés dans l’offre alimentaire, avec leurs prix (en apparence) avantageux : de “Mammouth écrase les prix” jadis au “Pays où la vie est moins chère” en passant par “Chez E.Leclerc, vous savez que vous achetez moins cher”, la grande distribution scande souvent l’argument économique.
  • des plats industriels, prêts à l’emploi, dont le prix est lisible. Contrairement à un plat fait maison dont le prix de revient global est plus difficile à calculer, les plats préparés ont un prix final lisible, qui donne une impression de budget maîtrisé pour un repas complet.

Les industriels de l’alimentation jouent par ailleurs sur la taille des portions et la nature des ingrédients pour moduler le prix à la baisse (ajout de composants à bas coût comme l’eau, le sucre, le sel etc.)

Nous avons là une seconde boucle :

En annexe, nous citons quelques verbatims de l’enquête qui vont dans ce sens.

Nous avons jusqu’ici identifié 2 boucles qui alimentent une relation complémentaire entre le consommateur et l’industrie agro-alimentaire.

Ces deux boucles créent une escalade complémentaire, c’est-à-dire une relation dont l’asymétrie s’accentue avec le temps : plus le consommateur s’appuie sur l’industrie agro-alimentaire pour lui fournir une alimentation rapide à consommer et pas chère, moins il peut faire autrement. Une forme de dépendance s’installe, notamment en raison de mécanismes de l’habitude : 17% des répondants insatisfaits de leur alimentation actuelle citent comme frein à un changement “Habitudes alimentaires / de consommation”.

 

Voyons quelles autres boucles viennent renforcer encore cette logique.

 

3 – UN CHOIX PLUS FACILE CAR PLUS SAILLANT

Dans la grande, moyenne et petite distribution, l’offre alimentaire industrielle occupe une place prépondérante, il suffit de faire un tour dans ces magasins pour s’en convaincre, en cherchant à acheter des produits bruts, non transformés. Elle est aussi très présente dans les lieux de loisirs (cinémas…), de transports (distributeurs et boutiques en gares ou aéroports, stations-services…) et ailleurs, sans compter bien sûr sa place dans les espaces publicitaires tous types de media confondus.

L’offre alimentaire industrielle est donc saillante et capte notre attention. Impossible d’y échapper, tous les chemins y mènent.

Dès lors, il est tentant de porter ses choix sur elle : quand on peine à trouver quoi faire pour le dîner ce soir, des réponses simples et attractives sont à portée de main dans les rayons des magasins sous forme de repas tout prêts.

Nous retrouvons la notion de gain de temps, cette fois appliqué aux courses et non à la préparation : dans les magasins alimentaires de type supermarché, on trouve tout au même endroit et des propositions de repas alléchants, sans effort.

Et plus les consommateurs achètent les produits industriels, plus les marques ont de bénéfices, ce qui leur permet de se développer, pour être encore plus présents.

Nous avons là une 3e boucle de renforcement :

4 – COMME UNE POULE DEVANT UN COUTEAU

Les lecteurs nous pardonneront ce titre taquin et avant tout clin-d’œil…

Une 4e boucle vient compléter le tableau, qui se joue autour du savoir-faire culinaire.

Pour l’illustrer, une anecdote : il y a 2 ans nous nous sommes inscrits dans une AMAP à Paris. Nous allions chercher notre panier de légumes tous les mardi, à 20h. Nous voilà à la maison avec des légumes parfois inhabituels pour nous : potimarron, blettes… et il était inconfortable de se retrouver avec un légume sur les bras sans trop savoir comment les préparer. Bien sûr, internet donne la réponse en quelques clics, mais cet inconfort et cet effort-là sont sans doute l’un des facteurs qui encouragent encore la consommation de produits tout prêts.

Consciente de ce frein, l’AMAP proposait sur son blog des recettes correspondant au panier de la semaine.

Dans notre enquête, 17% des personnes non satisfaites de leur mode d’alimentation actuel citent comme frein “manque d’expérience en cuisine”.

 

Quelques verbatims :

“Je m’aperçois finalement que j’achète toujours les mêmes produits car je ne sais pas cuisiner des plats très compliqués. Pour le moment je n’ai pas le temps ni l’envie de lire des recettes plus complexes.”

“J’aimerai vraiment lâcher les plats surgelés que je dégaine encore trop facilement par manque de temps et d’organisation”

Cuisiner prendra toujours plus de temps que mettre une barquette au micro-ondes. Mais moins l’on s’exerce à cuisiner, plus cela prend du temps, plus on risque de se décourager de le faire.

Mais il y a autre chose : les industriels rivalisent d’ingéniosité pour donner du goût à leurs plats. On peut ne pas aimer ce goût, force est de constater qu’il est là.

Quand on est habitué à ce goût et qu’on goûte pour la première fois une courgette vapeur, c’est fade : les légumes, soit on les aime nature, soit il faut savoir les agrémenter, ce qui demande un peu de temps et de savoir-faire.

Et voilà notre 4e boucle qui renforce l’escalade complémentaire :

Détaillons cette boucle :

Je ne sais pas cuisiner les produits bruts

↳ j’achète du tout préparé (produits transformés)

↳ je n’apprends pas à cuisiner

↳ mon goût s’habitue à la cuisine “industrielle” (donc je ne sais pas comment faire un plat qui ait du goût avec des légumes vapeur), avec parfois une addiction à certains produits (sucrés)
↳ et la publicité m’envoie un message déculpabilisant sur le fait de ne pas cuisiner
(ex : publicités dans laquelle le/la maître(sse) de maison fait croire qu’il/elle a fait le repas, ou réclame mettant en avant les qualités “comme à la maison” du produit ce qui alimente une confusion.

↳ j’achète du tout préparé avec bonne conscience

↳ je m’éloigne encore des produits bruts et ne les achète pas

↳ je n’apprends donc pas à les préparer

Pour les consommateurs, qu’ils cuisinent ou non, l’industrie agro-alimentaire argumente largement sur le goût depuis des dizaines d’années. Florilège de slogans des marques qui vont dans ce sens :

Amora : Par amour du goût.

Quand c’est bon, c’est Bonduelle.
Poulain, le goût bonheur.
Carte Noire : Un café nommé désir.
Chocapic: C’est fort en chocolat.
Danette : On se lève tous pour Danette.
Herta : Le goût des choses simples
Kiri : Le fromage des gastronomes en culottes courtes.
Planta Fin: Le fin du fin, c’est Planta Fin.

 

5 – DIS-MOI QUOI MANGER POUR ÊTRE BIEN

Gain de temps, maîtrise du budget, prépondérance de l’offre, perte d’expérience culinaire : la relation de dépendance du consommateur à l’égard de l’industrie agro-alimentaire se renforce au travers de plusieurs facteurs. Le dernier que nous avons identifié est le rôle de “guide” que se propose d’incarner le secteur agro-alimentaire en matière d’alimentation.

En effet, pour qui s’interroge sur ce qu’il devrait manger, deux discours en stéréo :

Dominant, celui de l’industrie agro-alimentaire, diffusé par la publicité et les packagings, met en avant des types de produits associés à des moments de la journée ou à nos besoins, et des allégations santé spécifiques à ces produits.

Ainsi, par exemple, depuis des dizaines d’années, le message principal concernant le petit-déjeuner est : “mange des céréales, sucrées et ludiques pour les enfants, enrichies en vitamines, allégées pour ceux qui font attention à leur ligne, prends celles que tu veux, mais bon sang, mange des céréales !” Allez faire un tour au supermarché au rayon nommé “Petit-déjeuner”, que trouverez-vous ? Pains, brioches, céréales, café, chocolat. Alors quand une naturopathe vous dit qu’il serait bien plus sain de manger des fruits frais, des graines (noisettes, amandes, noix du Brésil) et une infusion, vous vous dites qu’il serait intéressant de creuser le sujet.

Au-delà des marques, les filières agro-alimentaires jouent aussi un rôle majeur, comme l’industrie laitière qui a longtemps martelé que les produits laitiers sont indispensables à notre santé – nos “amis pour la vie !” – avec de nombreux arguments autour du calcium.

En parallèle, plus discret, l’autre discours est porté par le PNNS (Programme National Nutrition Santé), qui nous scande son fameux “5 fruits et légumes par jour”, que nous pourrions d’ailleurs prendre comme un moyen d’acheter son droit à la malbouffe : “si je mange 2 pommes, 1 bout de concombre, 1 carotte et une tomate c’est bon, je peux faire le reste de la journée avec pizzas, barquette de petit salé aux lentilles et céréales et Danette ?”
Ce message gouvernemental cherche à réguler une dérive dans les habitudes alimentaires des Français : le remplacement des fruits et légumes par des produits industriels. Paradoxe intéressant, ces messages « Manger bouger » sont diffusés à la fin de spots publicitaires pour produits industriels ! Un double message est envoyé simultanément au consommateur : mange des produits transformés ET mange des fruits et légumes frais…

Perdu entre ces messages contradictoires, le consommateur qui se sent incompétent en nutrition finit par céder aux voix dominantes et convaincantes, et une nouvelle boucle s’instaure :

Détaillons le processus :

Je ne sais pas vraiment ce dont mon corps a besoin (types d’aliments, composer mon assiette, etc.)

↳ Je suis à l’écoute à la fois des messages du PNSS (Programme national nutrition santé) et de la publicité qui me propose des conseils convaincants avec de belles images (ex: belles céréales pour être en forme le matin et ne pas avoir le coup de pompe de 11h, aliments enrichis en “bon lait”, ”vitamine D” etc.) et des campagnes des filières (produits laitiers, viandes…)

↳ j’achète les produits proposés par l’industrie agro-alimentaire et comme je n’ai pas d’autre idée ni de raison de changer (je pense bien faire, je n’ai pas de signal de mon corps m’invitant à changer d’alimentation), je les rachète

↳ cette habitude est renforcée, je développe une fidélité aux marques ou aux produits et je n’ai pas de raison de changer mon mode de consommation

↳ et je ne développe pas mes connaissances en nutrition et santé

Côté fruits et légumes, chacun s’arrange comme il peut pour se rapprocher du compte est bon répété par le PNSS : compter le jus de fruit comme un fruit, 2 miettes d’artichaut et la tomate sur la pizza ça fait 3, et les morceaux de fruit dans le yaourt ?

 

6 – VUE D’ENSEMBLE

Si nous regardons l’ensemble de ces boucles, nous pouvons en faire la synthèse suivante :

Par manque de temps et/ou de savoir-faire, je sous-traite / délègue mon alimentation à une industrie qui a l’air de savoir ce qu’elle fait et de quoi j’ai besoin, donc j’en connais de moins en moins sur le sujet et dépends de plus en plus de cette industrie.

Une sorte de servitude volontaire… parfois heureuse ?

Elle s’inscrit dans une synergie autour de besoins complémentaires :

  • Les marques veulent devenir une source privilégiée d’alimentation et d’information nutritionnelle
  • Le consommateur veut trouver rapidement et facilement des produits avec du goût, pas chers et faciles à cuisiner. Les industriels innovent sans cesse et propose des nouveautés pour répondre aux besoins (supposés) des consommateurs : sans sucre, allégé en graisses, sans gluten etc.

L’implicite véhiculé par les messages de l’industrie agro-alimentaire pourrait être formulé ainsi : « Je sais ce dont tu as besoin et envie, je te l’apporte, fais-moi confiance »

En réponse, l’implicite du consommateur qui achète ces marques est « Dis-moi quoi acheter, je te fais confiance »

7 – CHANGER, OU PAS ?

Un dernier cercle, vicieux, pour la route ?

Le consommateur qui commence à se dire qu’il devrait cuisiner davantage et consommer des produits moins transformés, se heurte aux difficultés décrites précédemment (budget, temps, savoir-faire, facilité d’accès, connaissance de l’équilibre alimentaire / diététique), et peut voir son élan retomber avec une conséquence aggravante.

Je sais que je ne prends pas soin de mon alimentation (nombreux messages 5 légumes 5 fruits, attention sucre et graisses etc.)

↳ Je me sens coupable, je ne suis pas fier de moi,

↳Cela ne m’aide pas à avoir l’énergie ou la volonté de changer mes habitudes
↳Je continue à acheter des produits transformés en relativisant
↳ Je me dis que je ne prends pas soin de moi mais c’est trop compliqué de faire autrement (fichu pour fichu…)

CONCLUSION :

En regardant l’ensemble des boucles qui renforcent la relation complémentaire entre consommateur et agroalimentaire, il apparaît que faire autrement demande au consommateur un effort conséquent, ce qui explique qu’il n’y parvienne pas toujours facilement.

Comment font alors ceux qui reprennent en main leur alimentation ? Ce sera l’objet de notre second article. Nous y verrons que les moteurs du changement sont divers mais reposent tous sur des émotions fortes à l’égard de l’industrie agro-alimentaire, ainsi qu’un changement de vision du monde.