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Je t’influence, tu m’influences, nous nous influençons

Nous avons vu dans les épisodes précédents que nous ne pouvons pas ne pas influencer. Ceci entraîne que j’influence les autres qui m’influencent en retour.

La communication n’est donc pas linéaire. Elle ne part pas d’un interlocuteur vers un autre à sens unique. Elle est au contraire circulaire et lorsque nous parlons avec une personne, nous l’influençons et nous sommes en temps réel influencés par sa réaction, qu’elle soit verbale ou non verbale.

Nous parlons ainsi de boucles interactionnelles entre soi et les autres. Si on prend l’exemple d’un conférencier qui semble a priori donner des informations descendantes, il n’en est pas moins influencé par le comportement de son auditoire qu’il influence lui-même par ses propos.

Observons la famille Dubouillon

Imaginons un dîner en famille avec le père, la mère et les trois enfants. Le père a eu une bonne nouvelle au travail et il est de très bonne humeur.

– Le père : « Je suis content qu’on soit tous réunis pour dîner, être tous les cinq n’est plus très fréquent. »
– La mère : « C’est que tout le monde grandi et vaque à ses occupations aujourd’hui, Manon va bientôt avoir son propre appartement. »
– Le père : « Tu n’es pas obligée de me le rappeler tous les jours ! Je sais qua Manon va partir à l’étranger pour poursuivre ses études»
– Manon : « Ce n’est pas si grave Papa. »
–  Le père : « Ce n’est pas grave mais je m’inquiète. »
– Léa : « de toute façon, tu t’inquiètes toujours pour tout quand il s’agit de Manon ou moi ! Mais jamais pour Théo ! C’est le plus jeune mais comme c’est un garçon, pas d’inquiétude. »
– Théo : « Qu’est-ce que j’ai fait moi encore ? »
– Manon : « Léa, arrête de toujours en rajouter ! »
– Le père : « Moi qui me réjouissais de ce repas de famille, je n’ai même plus faim… »

Dans la communication, une seule interaction peut totalement modifier la suite des échanges. On voit ainsi comment la remarque de la mère influence fortement l’humeur du père et tout ceci influence le reste de la famille.

Evidemment, ce n’est qu’un exemple et on ne peut jamais prévoir de manière sûre comment on va influencer les autres. Imaginez que l’humeur du père ait été tellement bonne qu’il ne réagisse pas à la remarque de la mère et ainsi le cours de la discussion aurait été bien différent. De même Léa aurait pu ne pas avoir envie de régler des comptes à ce moment précis avec son père et son frère.

Remarquez au passage les implicites coincés dans un tiroir plutôt bien ouvert de la commode. Implicites que l’on trouve également dans la remarque de Théo et aussi dans le « toujours » prononcé par Manon.

Et s’ils souhaitent faire évoluer cette situation ?

Encore faudrait-il qu’ils s’en plaignent ! En effet, il y a sûrement de nombreux avantages à laisser les choses en l’état. Par exemple le père pourrait se lamenter pendant trois jours de la situation. Se faire passer pour une victime est tout-à-fait agréable de temps en temps. Peut-être même que sa fille finirait par renoncer à partir à l’étranger et qu’elle lui en voudrait toute sa vie. Ca donnerait des occasions de râler et de s’engueuler pour longtemps !

Aussi, si la situation dégénère davantage, Léa aura peut-être gain de cause et se verra traiter de manière équitable avec Théo qui lui-même peut avoir tout intérêt à ce que la famille se dispute car cela lui évite d’aborder le sujet de la note lamentable qu’il vient d’obtenir en mathématiques. Concernant la mère, peut-être est-elle assez contente d’avoir participée à gâcher l’humeur de son mari. Il fait tellement souvent la même chose quand elle lui annonce de bonnes nouvelles !

Maintenant, si vraiment ils souhaitent éviter ce genre de situation, il leur faudrait dans un premier temps reconnaître qu’ils ont une influence les uns sur les autres. Et ce n’est pas facile car comme on le sait, c’est toujours la faute des autres ! Cependant, les situations sont rarement aussi manichéennes. Alors, il faudrait que notre famille accepte ne serait-ce que l’idée que lorsqu’ils interagissent, ils influencent les autres qui les influencent en retour. Ce serait déjà une étape importante.

Après, mais là c’est peut-être un peu trop demander, il serait sûrement nécessaire de trouver l’influence que l’on peut avoir qui soit adaptée à la situation et à ce qu’ils souhaitent en faire.

Observons la famille Dubouillon

Imaginons maintenant le père (Christophe) avec son propre père (Gérard).

– «  Bonjour mon fils, comment vas-tu ? »
– « Ca pourrait aller mieux. »
– « Qu’est-ce qui t’arrive donc ?»
– « C’est le prochain départ de Manon, je suis inquiet de la savoir comme ça, seule à l’étranger»
– « Bah, c’est une fille sérieuse. Tu dois prendre du recul, ne pas t’inquiéter. Apprend à relativiser. »
– « C’est facile à dire ! On voit que ce n’est pas toi qui regarde ta fille partir s’installer en Australie. T’as vu la distance ? S’il lui arrive quelque-chose, je fais quoi ? »
– « Tu es vraiment trop sensible, tu t’agaces pour un rien ! »

On voit dans cette série d’interaction que Christophe n’est pas très satisfait de la réponse de son père et que celui-ci l’influence dans le sens de l’agacement, ce qui n’est sûrement pas ce qu’il souhaitait. Il cherche à bien faire, à aider, mais visiblement ça ne marche pas.

Et s’ils souhaitent faire évoluer cette situation ?

Si Gérard souhaite améliorer les choses, il lui faudra sûrement revoir sa technique pour aider son fils. Mais souhaite-t-il vraiment l’aider sur le fond ? Encore une fois, il faudrait d’abord qu’il sache exactement ce qu’il veut faire dans cette situation. Parce qu’après tout, il pense depuis longtemps que son fils est trop sensible et aussi qu’il démarre au quart de tour.

Alors s’il veut vérifier ce qu’il pense, il faut surtout qu’il ne change rien. Il a la bonne méthode. Il appuie juste là où il faut pour valider ce qu’il sait déjà. Vous avez sûrement remarqué les implicites planqués dans les tiroirs ?  En fait, ils disent tous que Christophe ne sait pas s’y prendre dans cette situation.

Et forcément celui-ci se retrouve sur le banc des accusés. Il arrive avec un problème (je suis inquiet pour Manon) et repart avec cinq : toujours aussi inquiet mais en plus incapable de prendre du recul, de relativiser, trop sensible et colérique ! Il va maintenant pouvoir ruminer toute la semaine. Mais ce n’est pas sûr que Christophe veuille non plus changer cette situation car après tout il sait depuis toujours que son père est incapable d’aider qui que ce soit. N’est-ce pas là la preuve ?

Dans cet exemple, il sera nécessaire à nouveau que celui qui voudra faire évoluer la situation accepte l’idée de co-influence et sache vers quoi il voudrait aller. Ce qui est formidable avec la co-influence, c’est que si l’un des protagonistes décide de modifier son comportement et donc son interaction vers l’autre, ce dernier sera amené malgré lui à modifier aussi son comportement. Encore faudra-t-il trouver la bonne interaction qui permette à celui qui décide le changement d’atteindre son objectif. Mais nous creuserons ces questions dans les épisodes suivants.

En résumé

  • On influence toujours les autres qui nous influencent en retour.
  • La communication est donc circulaire. On parle de boucles interactionnelles.
  • Reconnaître et accepter l’idée de co-influence est important lorsqu’on veut faire évoluer sa communication.
  • Lorsqu’une personne modifie son comportement interactionnel, elle influence différemment et amène les autres à modifier leurs comportements.