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Le diagnostic stratégique systémique ou quand un diagnostic devient l’agent majeur de résolution d’un dysfonctionnement organisationnel

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Par Frédéric Demarquet – 

Les diagnostics organisationnels sont généralement organisés alors qu’une entreprise vit une situation difficile avec un ensemble de collaborateurs : équipe, collectif projet, service, filiale, organisation dans son ensemble. Généralement, ils visent à mettre en lumière un certain nombre d’informations qui permettront ensuite la mise en place d’actions précises ouvrant vers la résolution des problèmes rencontrés.

Depuis de nombreuses années, dans le cadre des interventions organisationnelles du Si Institut, nous développons et affinons des méthodologies de diagnostics sur mesure et adaptées à la singularité des environnements de nos clients et des sujets qui les occupent. Au fil du temps, ceux-ci ont évolué à la fois sur le fond, dans la forme et également au niveau des objectifs visés. En effet, comme mentionné plus haut, nous pratiquions au lancement de nos activités des diagnostics dans le but de délivrer les préconisations les plus efficaces possibles aux commanditaires des actions. Progressivement, alors que nous œuvrions dans une dynamique d’évolution continue, une évidence s’est dévoilée : et si le diagnostic en lui-même pouvait être la solution ? Est alors né le concept de diagnostic stratégique systémique qui s’apparente à une forme particulière d’accompagnement collectif.

La systémie nous enseigne que dans un système vivant, tout élément en interaction avec d’autres influence ceux-ci et peut influencer l’ensemble du système par capillarité (principe de totalité). Elle nous enseigne également qu’un changement ou une évolution ne peut s’obtenir que par des différences significatives impulsées dans le système (théorie de l’information). Aussi, le consultant systémicien qui participe à un diagnostic, à l’occasion de l’ensemble de ses interventions, est en permanence vigilant à ce que celles-ci soient l’occasion d’influences bénéfiques pour cheminer vers la résolution et le développement attendus. Ainsi, toutes les phases du diagnostic sont-elles des opportunités stratégiques au service de l’intervention globale.

Il convient à ce stade de préciser un des incontournables de la posture de systémicien. De même qu’on ne peut pas ne pas communiquer dès lors que nous sommes en interaction avec un environnement, on ne peut pas davantage ne pas influencer. Aussi, les systémiciens font-ils le choix d’assumer leurs influences, d’en être conscients autant que faire se peut et de les placer au services des demandes d’accompagnements, par des techniques spécifiques dites « stratégiques ».

Pour bien faire comprendre notre propos, nous vous proposons une digression vers le coaching systémique stratégique individuel. En effet, l’analyse d’une demande et la recherche des informations pertinentes dans ce cadre précis sont l’occasion de beaucoup plus que ce qui est suggéré. Les méthodologies systémiques variées que nous utilisons[1] vont rapidement impulser des différences significatives dans la construction du problème de la personne que nous accompagnons et donc dans la construction des solutions possibles. Il est fréquent qu’après un premier entretien, nos clients voient leur situation très différemment et que leurs difficultés aient un impact beaucoup moins fort sur leurs équilibres. Pour ce faire, nous œuvrons conjointement à l’éclairage des informations pertinentes et à la construction stratégique résolutoire. On peut même avancer que les deux ne font qu’un. Dans cette dynamique, les entretiens préalables avec les ressources humaines, les hiérarchiques et les réunions tripartites ou quadripartites bénéficieront de la même dimension stratégique à l’occasion des différentes interactions. En effet, le consultant influence les différents acteurs qui s’influenceront à leur tour et il est de fait souhaitable que ces influences soient cohérentes avec l’ensembles des acteurs concernés et des actions menées. L’ensemble de ces interactions est alors tourné vers un but unique : la résolution de ce qui est demandé par l’ensemble des parties. Pour autant, le coach ne coache qu’une personne (le coaché) et ceci ne retire en rien l’influence qu’il a sur les autres acteurs qu’il rencontre et également sur ceux qu’il ne rencontre pas (le reste de l’équipe, les services transverses…). On peut ainsi dire qu’il coache une personne et en accompagne plusieurs par sa posture stratégique globale et au service de la demande de coaching.

De la même manière, à l’occasion d’un diagnostic, la posture du consultant qui s’adaptera aux différents types d’entretiens qu’il exercera (analyse de la demande des prescripteurs, calages, entretiens individuels, collectifs, restitution aux prescripteurs, restitutions aux participants…) sera toujours une posture de construction d’une intervention globale, auréolée de sa dimension stratégique. Et les différentes influences qu’il déploiera participeront à la résolution en temps réel des problématiques soulevées.

Pour illustrer le propos, nous allons regarder trois exemples d’entreprises accompagnées :

  • L’entreprise A qui exerce dans le domaine de la banque d’affaire nous consulte car elle vit une difficulté depuis plusieurs années : une équipe qui fait du suivi de clientèle est en souffrance depuis environ trois ans et suite à l’absence pour raison de santé de son manager. Un management en intérim a été exercé en partie par la N+2 et en partie par un homologue d’une autre équipe. A son retour, le manager a trouvé une équipe très désorganisée et un leadership porté par un membre de l’équipe s’est exercé contre lui en son absence. Les commanditaires sont le N+2 et une RRH chargée de ce secteur. L’équipe semble scindée en eux : ceux qui soutiennent le manager et ceux qui soutiennent le leader auto-proclamé. Ceci crée beaucoup de souffrance et la médecine du travail est en alerte sur des cas de risques psycho-sociaux. L’ensemble du processus, depuis le premier entretien avec les commanditaires jusqu’aux restitutions sera l’occasion d’une réorganisation de l’ensemble du système : sans qu’aucune action ne soit encore menée, autres que le diagnostic, l’équipe va se ressouder et le manager reprendre sa place. Le leader auto-proclamé va se disqualifier lui-même et les alertes RPS vont céder. A l’issue du diagnostic et dans un but de consolidation, quelques séances seront proposées au manager en coaching individuel, ainsi que deux demi-journées de team-coaching avec l’ensemble de l’équipe.
  • L’entreprise B qui exerce dans le domaine de la prestation de services nous consulte car une réorganisation a été mise en place deux ans plus tôt et a dû être avortée tant elle a créé de dommages collatéraux. Depuis, de grosses tensions se sont envenimées au sein du codir et avec les directeurs de services qui sont sous pression. Des décisions importantes n’ont pas été prises et la quasi-totalité des salariés (une centaine), paraissent en souffrance et en demande d’évolutions. A l’issue du diagnostic et des restitutions, il semble que de gros changements soient à l’œuvre : le DG prend des décisions importantes, deux membres du codir vont sortir, une organisation participative va se mettre en place avec, entre autres, la création d’un codir élargi composé des directeurs de services. L’entreprise B semble alors prête à poursuivre sa route sans autres interventions des consultants.
  • L’entreprise C exerce dans le domaine de l’informatique et de la prestation de services. C’est une grosse entreprise matricielle composée de 40.000 salariées répartis sur tout le territoire en différentes entités. Chaque entité exerce un fonctionnement indépendant tout en référent à la fois à des instances départementales, régionales et au siège. Les commanditaires, composés de cinq délégués du siège et qui prendront un rôle de comité de pilotage, font état d’une grande difficulté pour la majorité des entités à s’emparer des nouvelles normes et des nouvelles pratiques. Le déploiement national est laborieux et certaines entités sont en situation de blocage. Le diagnostic va initier un changement très significatif dans la réalisation des process, la circulation de l’information et engendrer une refonte des fonctions support. Les actions menées à l’issue du diagnostic seront uniquement un accompagnement du comité de pilotage qui, par ses actions et la diffusion de certains éléments du diagnostic, vont permettre un déploiement des nouvelles pratiques.

On peut voir dans ces trois exemples comment un diagnostic mené de manière systémique et stratégique peut rapidement permettre aux systèmes d’exercer les changements souhaités tout en s’auto-régulant. En tant que systémiciens, nous sommes plutôt adeptes des actions minimales qui, exercées au bon endroit, vont mettre de l’huile dans les rouages et permettre aux systèmes de se réorganiser en utilisant leurs forces et leurs potentiels. Nous pensons que moins les consultants sont présents et plus ils permettent aux systèmes de trouver leur autonomie dans la résolution des problèmes et l’accompagnement des changements. De même qu’on ne peut demander à une personne de gagner en autonomie tout en étant toujours sur son dos, ils nous semble important de travailler sur la confiance que nous avons dans nos clients à générer leurs propres solutions. En cela, le diagnostic stratégique systémique offre la possibilité de renforcer l’indépendance, l’autonomie et la confiance de nos clients en leurs capacités à s’auto-gérer. Nous agissons avec parcimonie au moyen de quelques axes stratégiques et dans le cadre du diagnostic lui-même. Le système tend alors à se réorganiser en cours de diagnostic et à l’issue des restitutions. Il ne reste souvent plus qu’à consolider les changements en cours et à nous assurer qu’il n’y aura pas de retour en arrière avant de nous retirer. Les systèmes ainsi accompagnés vont pourvoir se renforcer de la confiance gagnée en leurs capacités à régler leurs propres problèmes. Et c’est bien eux qui les ont réglés, à leur manière et ils peuvent alors apprendre d’eux-mêmes ce qui est bon pour leurs équilibres. Ceci demande une posture d’humilité et d’honnêteté de la part des consultants qui ne peuvent se nourrir d’une trop forte dépendance des organisations aux interventions proposées et de louanges sur leurs actions. Pourtant, comme des parents qui voient leurs enfants s’envoler, c’est bien par la capacité à générer cette autonomie chez leurs clients que les consultants peuvent se réjouir du travail fait. Le diagnostic stratégique systémique offre une belle opportunité d’y parvenir.

 

Quelques règles importantes pour effectuer un diagnostic stratégique systémique :

  • Toute intervention, du premier entretien avec les prescripteurs à la clôture, fait partie de la construction stratégique du processus.
  • La posture des intervenants est en permanence orientée vers les buts stratégiques.
  • Les intervenants font partie intégrante du système organisation pendant toute la durée du diagnostic et leurs influences assumées et volontaires sont majeures et se doivent d’être anticipées et mises au service des objectifs.
  • Nous croyons fondamentalement que nos clients ont toutes les compétences pour réorganiser eux-mêmes leurs collectifs et passer d’un équilibre dysfonctionnel (qui ne permet pas d’atteindre les attendus) à un équilibre davantage fonctionnel (qui permet d’atteindre les attendus).
  • Les entretiens exploratoires sont le lieu de la recherche des informations pertinentes tout en étant un espace d’intervention majeur.
  • Les livrables, ainsi que les restitutions sont construits de telle façon qu’ils ne peuvent pas ne pas mettre le collectif en mouvement.
  • Les préconisations ne sont pas forcément faites pour être suivies, mais pour créer des réactions favorables aux évolutions attendues et au renforcement des auto-régulations.
  • L’autonomie rapide des clients et de leurs collectifs est une priorité et l’ensemble des phases du diagnostic est construit en partie dans ce but.
  • L’humilité est au cœur de la posture stratégique et le fruit de la réussite revient prioritairement aux collectifs accompagnés.

 

[1] Descriptif précis des techniques dans « Manuel systémique d’accompagnement des personnes » de Frédéric Demarquet, aux Editions L’Harmattan.