Quelques repères historiques
Si l’on retrouve les premières traces de la pensée constructiviste dans les approches philosophiques de l’antiquité telles que le scepticisme, c’est Emmanuel Kant qui s’en fera le premier grand porte-parole dans « Critiques de la raison pure ».
Au 19ème siècle, le philosophe allemand Hans Vaihinger dans « Philosophie du comme si », aborde l’idée de la construction de modèles que nous ferions à partir de phénomènes et auxquels nous attribuerions une valeur de réalité.
Au 20ème siècle, le constructivisme prendra une place prépondérante avec les travaux de Norbert Wiener, fondateur de la cybernétique, Grégory Bateson, fondateur de l’Ecole de Palo Alto et Heinz Von Foerster. Jean Piaget publie en 1967 « Logique et connaissance scientifique » et devient une figure incontournable de la pensée constructiviste.
Ernst Von Glasfeld écrira alors de nombreux ouvrages sur le constructivisme radicale et enfin Paul Watzlawick, qui reprit avec brio les travaux de l’Ecole de Palo Alto et sera une figure de proue de la nouvelle communication va vulgariser la pensée constructiviste au travers de nombreux ouvrages dont « L’invention de la réalité ».
Edgar Morin avec son ouvrage « La méthode » et Jean-Louis le Moigne qui publiera de nombreux ouvrages sur le sujet contribuerons, parmi beaucoup d’autres à donner ses lettres de noblesse à la pensée constructiviste qui, associée à l’approche systémique, va inspirer de nombreuses pratiques d’accompagnements telles que les thérapies brèves, les thérapies familiales ou encore le coaching.
La pensée constructiviste
La pensée constructiviste est sans doute un des enjeux majeur de la communication interpersonnelle. En effet, tout au long de notre vie, nous allons faire de nombreuses expériences et ces expériences vont participer à construire notre représentation de nous-mêmes, des autres et du monde qui nous entoure.
Ces expériences seront toutes vécues en interaction avec un environnement qui va nous influencer, avec d’autres personnes et enfin avec nous-mêmes. Lorsque nous interagissons avec nous-mêmes, avec nos pensées, notre propre langage intérieur, il est intéressant de noter que nous le faisons toujours en lien avec nos expériences passées, présentes et futures et donc dans l’interaction avec notre environnement.
Se penser revient donc à se voir, s’imaginer, se projeter dans le bain de nos constructions mentales qui se nourrissent de nos interactions d’hier, d’aujourd’hui et de demain. « Penser constructiviste » implique alors d’intégrer à nos pensées que ce que nous vivons en termes d’expériences est une construction mentale de cette expérience, une représentation que nous nous sommes forgée et, par conséquent, chaque être humain construit des représentations uniques qui lui sont propres.
Il existe deux types de réalités
La réalité se divise selon deux types de réalités distinctes. Un type de réalité avec lequel l’ensemble des êtres humains pourraient être d’accord et que l’on nomme réalités de premier ordre et un type de réalités qui appartient à chacun, qui est singulière et individuelle et que l’on nomme réalités de second ordre.
Les réalités de premier ordre sont des réalités factuelles ou scientifiquement prouvables, sur lesquels l’ensemble des êtres humains sont d’accord.
Par exemple, si vous entrez dans une pièce et que dans cette pièce se trouve 10 chaises, 3 autres personnes et une table, on peut dire que cette observation factuelle entre dans la catégorie des réalités de premier ordre et que tout être humain verra les mêmes éléments en entrant. Par contre, si la table basse vous rappelle celle qui était chez votre grand-mère, peut-être allez-vous être ému à sa vue, vous allez revivre des souvenirs et ce que vous vivez à ce moment-là entre dans la catégorie des réalités de second ordre.
Les réalités de second ordre sont la représentation que nous nous faisons d’une expérience vécue, représentation qui est influencée par nos expériences passées, nos idées, nos valeurs, notre personnalité, nos cultures, notre état d’esprit du jour, notre humeur… On peut alors avancer qu’en réalité de second ordre, il n’existe pas de réalité en soi, mais uniquement une réalité pour soi. Il en découle donc qu’en second ordre, il existe autant de réalités possibles que d’être humains et que ces réalités individuelles sont en permanente évolution au grès de nos expériences et des influences que nous vivons.